Kerry Endō

MENTALITÉ

Tant de bruits distincts, tant de mouvements... Il faut s'en protéger. Suivre dans l'ombre paraît être la meilleure solution. Traquer pour ne pas être traquer. Grogner pour ne pas être attaqué en premier.

D’un naturel impétueux, Kerry supporte mal la frustration. Elle n’hésite pas à taper sur tout ce qui passe sous ses poings lorsqu’elle est contrariée… Malgré sa frêle allure. Inutile de préciser qu'elle ne réfléchit qu'ensuite aux conséquences de ses actes. Son impulsivité lui a attiré de nombreux ennuis dans le monde réel et elle est ainsi devenue extrêmement méfiante envers les autres.

La jeune fille n'est pourtant aucunement méchante, elle ne peut juste pas contrôler ses pulsions de violence. Sa particularité est d'avoir tendance à se comporter tel un prédateur : les sens exacerbés, une forte capacité de traque... Et une curieuse habitude de grogner ou de mordre. Il est difficile d'anticiper ses réactions, elle-même vit parfois des périodes de "blanc", où elle ne se souvint plus de rien.

Quoi d'autre ? La jeune fille ne supporte être enfermée dans un petit espace, étant claustrophobe. Elle se transforme alors en bête enragée et se déchaîne sur le premier mur ou première personne venant. Elle crache sa rage sur n'importe qui, sans distinction.

En groupe, Kerry a tendance à vouloir commander, à garder la situation sous contrôle. La violence est pour elle le seul moyen de parvenir à ses fins.

BIOGRAPHIE

Remonter trois quarts de siècle dans le temps devrait soulever moult incohérences aux yeux du concerné. Un demi-siècle constituait un ensemble d’amélioration, d’évolution… Et de destruction. Vivre en paix en oubliant toutes ces nouveautés était-il possible ? Oublier le confort d’aujourd’hui pour rencontrer l’incommodité du passé… Etait-ce viable ?
- A douze ans, personne n’en voudra plus.
- C’est la plus âgée du centre. C’est un poids mort.
- Elle est trop violente, c’est impossible.
Oui, retourner en arrière semblait être la meilleure solution. Kerry n’avait pas hésité une seule seconde devant la proposition incongrue de cette femme-oiseau… Incongrue.

La jeune fille migrait d'orphelinats à familles d'accueil depuis sa plus tendre enfance... Sans jamais avoir trouvé une situation stable. Son plus profond souvenir remontait à ses trois ans, où sa mère l'avait laissée sur le banc d'une gare, lui intimant de ne pas bouger jusqu'à son retour. Elle ne revint jamais. Les services sociaux de Londresla prirent en charge et elle fut rapidement placée. D'origine coréenne, elle suscita de nombreuses interrogations au début. Bien que vivant en Angleterre, il s'était vite avéré que la gamine n'avait aucune connaissance de la langue natale et ne parlait que le coréen.

En vérité, sa mère était tombée enceinte extrêmement jeune, lors d'un voyage étudiant en Angleterre, après être tombée sous le charme d'un Européen. En apprenant la nouvelle, la jeune femme coupa tous liens avec sa famille très conservatrice et choisit de s'installer dans un petit studio, sacrifiant ainsi toutes ses économies aux beaux yeux de son copain. Mais les sentiments n'étaient guère réciproques et celui ci ne tarda pas à la quitter, peu après la naissance de leur fille, baptisée Kerry par ses souhaits. L'adulte, détruite, commença à vivre dans une précarité certaine avec son enfant. Au lieu s'accrocher à la petite telle une bouée à la surface, elle choisit de s'enfoncer dans une lente dépression. La mère se limitait aux gestes primaires pour la survies de toutes les deux... Avant de choisir de se séparer de ce qui avait bouleversé sa vie.

Kerry était alors bien trop petite pour analyser cette situation... Puis ses souvenirs sombrèrent dans l'oubli. Personne n'eut connaissance de sa mère. A son arrivée, l'enfant était affamée et se plaignait d'avoir froid. Cette dernière sensation ne l'a par ailleurs jamais quittée. Elle ne cessait de répéter son prénom, "Kerry", et "Eun Do", le nom de sa mère. La direction du foyer pensait qu'il s'agissait de son nom de famille, c'est ainsi qu'elle fut appelée "Endō".

Plus tard, la petite commença à développer d'étranges habitudes. Elle grognait au moindre contact, suivait à pas de loup les éducateurs, ou mordait ses camarades. Les murs de sa chambre restèrent nus et elle dormait sous son lit, avec une couette épaisse.  Refusant tout d'abord à communiquer, elle finit par apprendre un anglais très rudimentaire. La jeune fille du se contenter des cours du foyer : les deux écoles publiques du quartier l'ayant exclue pour "troubles du comportement". Elle n'avait pas conscience de mal agir cependant et avait tout bonnement décidé que "c'était la faute des autres".

Avant la venue de chaque parent potentiel, le centre pomponnait tous les enfants, même les plus difficile. C'est ainsi que Kerry eut l'expérience de vivre dans plusieurs familles d'accueil... Jamais plus de trois semaines. Sa dernière se déroula à ses dix ans. Le couple la ramenèrent fissa au foyer après l'avoir découverte dormant avec le chien. Ce fut la goutte d'eau de trop : les parents rejetèrent la faute sur l'orphelinat, imaginant qu'ils élevaient les enfants comme des animaux. Dès leur départ, Kerry fut cloîtrée dans sa chambre.

Très vite, elle fut éloignée des autres enfants -dont la différence d'âge ne faisaient qu'augmenter, et finit par faire les cent pas dans sa chambre. Ne sachant plus quoi faire, la petite fille donnait des coups de pieds dans des meubles, s'arrachaient les cheveux, et était particulièrement agressive envers tous ceux tentant de l'approcher. Pourtant, Kerry n'était pas pleinement en accord avec ses actes... Mais ses émotions l'emportaient toujours.

Elle fut transférée à un centre pour jeunes difficiles mais sans succès : elle se battait sauvagement avec quiconque et le plus souvent finissait à l'infirmerie, un bras ou une oreille en sang. Un cercle vicieux s'était créé autour de la jeune fille sans qu'elle en prenne conscience. Après un affront particulièrement déséquilibré, la petite fut transférée à un petit foyer d'Ecosse le temps de se remettre sur pieds. Calmée, elle commença à réagir aux incitations des éducateurs et se laissa soigner convenablement. Mais ce ne fut que le calme avant la tempête...

Vers ses douze ans, en été, la fenêtre de sa chambre au premier étage était grande ouverte. Kerry tournait et retournait ses cheveux comme à son habitude, couchée sur le sol. Soudain, un petit d'environs deux ans fit irruption dans la petite pièce, ayant sans doutes échappé à la vigilance d'une nourrice. Les adultes faisaient attention d'habitude à ce que les enfants plus jeunes évitent les chambres des plus grands : ceux-ci pouvant se montrer particulièrement imprévisibles. Le garçon, aux éclats, balança un cube en plastique sur la tête de la jeune fille tout en lui tirant la langue. La riposte ne se fit pas attendre : se ramassant sur elle même, Kerry se jeta sur lui en hurlant... Avant d'être saisie par la peau du coup d'une main d'étau d'un éducateur. Son autre main gifla violemment la joue de la gamine, marquant au fer rouge sa peau bronzée.

La rage fit place à la surprise qui fit place au vide, tel un ballet endiablé. Alors que l'homme desserrait sa poigne, vérifiant que le gamin allait bien, l'asiatique se dégagea violemment. Elle courut vers la fenêtre et se jeta dans le vide, atterrissant deux mètres en contrebas dans d'épais buissons. Le portail était ouvert, la jeune fille put s'y faufiler avant que l'éducateur n'ait le temps de prévenir qui que ce soit. Sa folle course continua pendant une durée incalculable pour son esprit embrumée... Avant de se prendre un ballon dans la tête.

Boulant pour la troisième fois de la journée, Kerry resta face contre terre, se contentant de lever les yeux. C'est ainsi qu'elle découvrit avec surprise un oiseau plus que bavard... Avec une voix de femme. Celui-ci lui expliqua qu'elle pouvait le suivre vers un endroit plus que sécurisé, dans lequel l'asiatique pourrait vivre sans craintes. Sans écouter ses avertissements concernant le décalage temporel et la fin de son quotidien, Kerry lui saisit violemment les pattes tout en le suppliant de la conduire jusqu'à ce lieu utopique.

C'est ainsi que Kerry Endō fut parachutée dans la boucle temporelle du 4 Septembre 1940.